« Les délits mineurs de Malin Persson Giolito » : ou la chute du modèle suédois
Les chiens ne font pas des chats. Malin Persson Giolito est la fille du célèbre criminologue écrivain . Donc, elle écrit des polars. Empruntant le réalisme de son géniteur er en le poussant au paroxysme du noir, elle sort son troisième roman en France aux Presses de la Cité. Une histoire d’adolescents en déshérence dans une Suède qui s’enfonce année après année dans la stupéfaction de voir la violence américaine franchir l’Atlantique et venir gangréner ses banlieues que la terre entière envient.
Construit à la fois en enquête pour les policiers et en énigme pour le lecteur, la romancière nous parle de deux ado, nés dans des quartiers séparés par une autoroute aussi sociale que géographique. D’un côté, Rönnviken (R) et de l’autre Varinge (V). Dogge, Douglas Arnfeldt, fils de Teo et Jill, vient de R et Billy de V. Le premier est aussi blond que le deuxième est brun. Chaque chapitre qui les concerne s’intitule « Les Garçons ». Une amitié comme on les aime, une amitié qui transcende les clivages culturels. « Deux garçons de milieux différents qui deviennent amis. Une vraie publicité, le genre d’histoire qui ne pouvait que bien se terminer. Pas de quoi avoir un pressentiment, pas même en tenant compte de l’étouffante chaleur, de l’orage qui approchait. » Pourtant, au premier coup de tonnerre, il y aura sortie de route. Et les « Garçons », ils vont en faire des conneries. Des petites puis de très grosses jusqu’à l’irréparable. Jusqu’à ce soir sur l’aire de jeux de Rönnviken, parmi les balançoires peintes dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Le 6 décembre, à 22 h 55. La neige tombe, ce sont les premiers flocons de l’hiver. Quatre coups de feu, en deux fois et en tirs rapprochés. Impensable dans cette banlieue. Le policier qui va enquêter s’appelle Farid Ayad. Il est marié à Natascha, le couple a trois filles. Avant, il habitait V, il en est parti cinq ans auparavant. Les gamins, il les connaît, il les a vus évoluer, changer, passer de petits crétins à voyous un peu plus costauds. Mais ça, il ne s’y attendait pas. Que l’un des deux meurt sans doute tué par l’autre, ça non. Le truc est énorme. Il y a forcément un adulte impliqué dans le drame. Comme si tous les protagonistes du drame se refusaient à admettre que des enfants puissent en venir à ce genre d’extrémité, tous seuls comme des grands.
S’il y a bien une chose que Malin Persson Giolito aime décrire, c’est la descente aux enfers d’une Suède longtemps considérée comme un modèle de tolérance, de terre d’accueil et de qualité de vie. Drogue et violence, comme à la télé dans les séries américaines. Société verrouillée, système judicaire bloqué, service de l’enfance dépassé, parents débordés ou absents. La maltraitance traverse le spectre social. Les riches ne sont pas à l’abri. Mais rien ne se voit ou tout se pardonne. Chez les pauvres, on sait mais on ne fait rien. Point de salut pour l’auteure de Quicksand, l’avenir se décline en noir et noir. Malin Persson Giolito suit les convulsions sociales d’une Suède où les rênes se perdent dans le brouillard hivernal.
« Délits mineurs », de Malin Persson Giolito, traduit par Laurence Mennerich, Éditions Presses de la Cité, 428 pages, 23 euros.